Agriculture : choisir le bio pour de bonnes raisons

Premier partenaire de l’agriculture, le Crédit Agricole des Savoie a convié les acteurs de la filière à une conférence consacrée à l’agriculture biologique et à ses opportunités de développement dans les deux départements savoyards. Ce mode d’exploitation est en pleine expansion en Europe et en France, où la consommation explose.

« En 2018, le marché de l’alimentation biologique a avoisiné les 10 milliards d’euros pour représenter 5 % de la consommation alimentaire en France », a indiqué en préambule Jean-Christophe Roubin, directeur de l’agriculture à Crédit Agricole SA, citant les derniers chiffres de l’Agence Bio. « C’est un marché qui enregistre des taux de croissance à deux chiffres impressionnants : + 20 % entre 2015 et 2016, + 17 % entre 2016 et 2017 et encore 16 % l’an dernier, ce qui pourrait bien faire passer prochainement la France devant l’Allemagne, premier marché consommateur de produits alimentaires bio en Europe ». Près de 70 % des produits bio consommés sur le territoire sont produits en France. Un taux qui devrait encore grimper avec l’accroissement du nombre des producteurs se convertissant au bio.

Car répondant à l’appétit des consommateurs pour les produits verts, les filières agricoles bio sont en progression constante sur le territoire national. Fin 2018, le cap des 2 millions d’hectares cultivés en bio a été franchi, plaçant la France juste derrière l’Espagne (n°1) et l’Italie. 7,5 % de la Surface Agricole Utile (SAU) française est bio aujourd’hui, contre 6,5 % en 2017. Et du côté des exploitations, les conversions se multiplient. L’an dernier, 5 000 exploitations ont rejoint les rangs des fermes déjà certifiées en agriculture biologique. Leur nombre dépasse les 41 500. Soit désormais près de 9,5 % des exploitations agricoles hexagonales.

Appellations de qualité et label bio

Dans les Savoie, le phénomène est moins sensible que dans d’autres départements tricolores. La SAU bio s’élève à 3 % contre 8,9 % au global en Auvergne-Rhône Alpes. « Sur le lait, 1,9 % du volume collecté dans les Savoie est bio contre 3,5 % au niveau national et 5 % au niveau de la Région AURA », précise Thibault Chatelain, référent agriculture biologique chez CERFrance des Savoie. « La dynamique bio est moins forte chez nous où les filières ont privilégié les signes de qualité AOP et IGP : elles étaient réticentes à l’empilement des appellations et labels ». De plus, la valorisation du lait en Pays de Savoie, grâce aux signes de qualité, a toujours été bonne. Elle a permis de protéger l’agriculture des Savoie lors des crises successives.

Mais aujourd’hui, il y a une vraie demande des consommateurs. « Les signes AOP et IGP adossés à un label bio sont un marqueur commercial. Les fromages de Savoie peuvent aller se battre sur ce marché de niche-là. Dans le Comté, lui aussi fromage AOP, le bio coexiste parfaitement avec le non bio », constate Martin Perrot, technicien en polyculture-élevage à l’ADABio (Association pour le développement du bio dans les Savoie, l’Isère et l’Ain). De plus, dans leur philosophie, les cahiers des charges entre les signes de qualité et le label bio ont des points de convergence : maximum de pâturage pour les animaux, alimentation non-OGM, pas d’ensilage, traçabilité sur l’approvisionnement, choix des races… 

Pour autant, la conversion au bio d’une exploitation ne doit pas se faire uniquement pour le prix de vente producteur, une fois et demie plus élevé que celui du conventionnel AOP-IGP. En bio, les volumes commercialisés sont inférieurs et les productions très dépendantes des aléas climatiques. Un exploitant peut vite rencontrer des difficultés financières. « Le bio n’est pas un facteur de réussite ni de performance économique », prévient Thibault Chatelain, pour qui il faut prendre le temps de construire et mûrir son projet par rapport à ses objectifs, sa situation et ses débouchés. Sans compter que ce virage a un coût (environ 40 000 euros d’investissement) et qu’il faut bien gérer sa trésorerie pendant les trois années de conversion. D’où l’importance de se faire accompagner par des experts et se former.

La conversion est un vrai projet entrepreneurial, avec une période de transition technique, économique et sociale demandant du temps, de l’énergie et des moyens. Mais à la clé, un nouveau projet de vie motivant et aussi une exploitation plus facile à valoriser dans la perspective de sa transmission.

 

Jean-David Baisamy, arboriculteur à Chevrier, vice-président du Syndicat des Fruits de Savoie (74)
« Notre Earl Fort L’Écluse dans le bassin genevois compte 26 hectares d’arbres fruitiers, 4 ha de poires et 22 en pommes, dont 4 ha en bio et un supplémentaire à venir l’an prochain. Nous y sommes allés progressivement car l’agriculture bio est très technique, chronophage et gourmande en main d’œuvre. Même si avec l’IGP et la production intégrée, nous avions des bases solides. Sur un verger bio, on perd en moyenne 30 % des rendements. Le tout bio est économiquement difficile à supporter, compte tenu des coûts, de la pression de la grande distribution et de la concurrence de pays voisins, moins exigeants sur le cahier des charges et aux coûts du travail inférieurs ».

 

Loïc Bertrand, producteur laitier bio à Saint-Jean-de-Chevelu, président de la Coopérative laitière de Yenne (73). 
« Au Gaec des Cordiers nous produisons du lait bio depuis 25 ans. Nous sommes totalement autonomes pour l’alimentation des animaux. Moins on achète à l’extérieur, plus on est rentable ! Nous avons créé la filière bio à la coopérative de Yenne en 1994. Elle est alimentée par six producteurs bio (sur les 50 que compte la coop). 2, 7 millions de litres de lait bio (sur un total de 23 millions) sont transformés en Tomme de Savoie, Raclette de Savoie et Dent du Chat bio (une pâte pressée cuite), labellisées AB. Originaire de Bretagne, je suis venu reprendre une exploitation dans les Savoie pour leurs productions sous signe de qualité. Mon prédécesseur avait déjà mené la réflexion de passer sous la double appellation IGP et AB. J’y suis allé car j’étais convaincu par les valeurs de ce mode de production et parce que la technique bio s’appuie sur l’agronomie et la zootechnie, les bases de la formation agricole. L’opportunité de se réapproprier son outil de travail ».

 

Légende photos ( de gauche à droite, de haut en bas dans le sens de lecture ) :   Photo n°1 :  Jean-Christophe Roubin, Directeur de l’Agriculture de Crédit Agricole S.A. – Photo n°2 : Martin Perrot, technicien en polyculture-élevage à l’ADABio (Association pour le développement du bio dans les Savoie, l’Isère et l’Ain) et Thibault Chatelain, référent agriculture biologique chez CERFrance des Savoie  – Photo n°3 : Jean-David Baisamy arboriculteur et Lionel Gruffat, Responsable du Centre d’Affaires du Développement de l’Agriculture du Crédit Agricole des Savoie 

Crédit photos et article : Sophie Chanaron – Octobre 2019 

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